Cinq établissements bancaires ont été visés par des perquisitions, à Paris et à la Défense, mardi, menées dans le cadre d’enquêtes du Parquet national financier. Pour l’économiste Emmanuelle Auriol, invitée de franceinfo, ces sociétés vont devoir payer « des pénalités ».

Les perquisitions menées dans cinq banques à Paris et à la Défense depuis ce mardi matin « vont établir qu’il y a eu des pratiques on ne peut plus frauduleuses » et engendrer « des redressements fiscaux », souligne ce mardi sur franceinfo Emmanuelle Auriol, économiste, professeure à l’École d’économie de Toulouse et membre du Cercle des économistes. Ces perquisitions sont menées dans le cadre de cinq enquêtes ouvertes en 2021 pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée », et pour certaines pour « fraude fiscale aggravée » après les révélations du schéma de fraude dit « CumCum » par Le Monde en 2018, annonce le Parquet national financier (PNF) mardi 28 mars à la mi-journée. Selon une source proche du dossier, les cinq banques en question sont la Société générale, BNP Paribas, Exane, Natixis et la banque britannique HSBC. Elles sont soupçonnées d’une fraude fiscale pour un montant supérieur à un milliard d’euros.

Est-ce que vous pouvez nous décrire les pratiques mises en cause ?

Emmanuelle Auriol : Il y a le CumCum et le CumEx. « Cum » veut dire « avec » en latin. Quand on détient des actions comme par exemple le PEA (plan d’épargne en actions), on touche des dividendes parce que c’est une part de propriété de l’entreprise. Et donc, quand l’entreprise distribue des bénéfices, ceux qui détiennent des parts touchent ces bénéfices sous la forme de dividendes. On est bien sûr imposés sur ces revenus. Et quand on est français, cela apparaît sur notre fiche d’imposition. Mais quand on est étranger, on échappe à l’impôt du revenu français et du coup, il y a un prélèvement forfaitaire.

Pour échapper à cet impôt, ils ont monté une manipulation où la veille ou bien le jour où ces dividendes vont être perçus, l’action est temporairement vendue à, par exemple une banque française, qui n’est pas soumise à cet impôt forfaitaire. Et cette banque prélève au passage une commission et renvoie à l’issue donc de cette période d’imposition forfaitaire, l’action et son dividende à l’investisseur qui y est fiscalement étranger. Donc évidemment, ces investisseurs ne risquent rien ou quasiment rien. Et c’est pour ça que le gouvernement se tourne vers ses banques qui très clairement fraudent le fisc français. C’est une façon évidemment d’échapper à l’impôt pour ces investisseurs étrangers.

Est-ce qu’on a une idée de ce que ça peut représenter comme pertes fiscales ?

Selon les estimations, c’est plus de 50 milliards d’euros en quinze ans sur plusieurs pays européens. Et il y a bien pire, il y a le CumEx, sans les dividendes. Là ce sont carrément des fraudes à l’impôt puisque dans certains états européens, on peut se faire rembourser les impôts qu’on aurait payés ailleurs quand on est étranger. En Allemagne, le fisc s’est aperçu qu’il avait remboursé des impôts qui n’avaient jamais été payés. Donc ce sont vraiment des scandales très importants.

Comment les banques justifient-elles cette pratique ?

Ces perquisitions vont, je pense, établir qu’il y a eu des pratiques on ne peut plus frauduleuses et donc des redressements fiscaux parce qu’il va falloir qu’ils payent des pénalités et ce qu’on peut estimer comme le manque à gagner. Cela se rajoute évidemment aux faillites qu’on vient de voir et au scandale du Crédit Suisse.

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